L’incroyable histoire du peuple Tayrona
Un trek de quatre jours dans la Sierra Nevada de Santa Marta, jusqu’à une cité perdue? Voilà bien une aventure à côté de laquelle nous ne voulions pas passer. Et nous voilà donc partis en pleine jungle, dans une chaleur étouffante, en compagnie d’une dizaine d’autres courageux et nos trois guides… À l’heure du verdict, l’effort en valait plus que largement la peine! Non seulement nous avons traversé des paysages magnifiques et partagé de beaux moments avec nos compagnons de route, mais nous avons surtout découvert l’incroyable histoire des Kogis, qui cultivent aujourd’hui encore leurs traditions ancestrales dans cette région éloignée. Allez, on vous raconte!
C’est qui, les Kogis?
Les Kogis sont un peuple indigène qui vit aujourd’hui dans la Sierra Nevada de Santa Marta, en préservant un mode de vie et des croyances ancestrales. Leur population est estimée entre 15’000 et 20’000 personnes, qui vivent principalement d’une agriculture de subsistance et d’une spiritualité intense.
Pour les Kogis, la Sierra Nevada de Santa Marta est une terre sacrée. Ce n’est pas un simple territoire mais le cœur de l’univers, la Terre Mère. Elle est pour eux un organisme vivant dont les hommes ne sont que les messagers. Et dans leurs croyances, en tant qu’habitants de ce lieu, ils ont la lourde responsabilité de veiller à l’harmonie entre la nature et l’être humain. Ils se considèrent ainsi comme les « grands frères » de l’humanité, chargés d’enseigner leur savoir aux « petits frères », c’est-à-dire tous les autres peuples de la planète…
Comment les Kogis ont-ils pu préserver leur culture?
Les Kogis sont des descendants directs du peuple Tayrona, qui occupait un grand territoire situé au nord-est de la Colombie lorsque les Espagnols sont arrivés en Amérique. Les nouveaux arrivants vont rapidement entreprendre de conquérir le territoire. Après 70 années de guerre, les Espagnols prennent possession de toute la zone côtière, obligeant les Tayronas à se replier dans la jungle, notamment dans la ville de Teyuna, qui était l’une des trois cités sacrées des Tayronas.
Malheureusement, le calvaire est loin d’être terminé pour le peuple Tayrona. Pour exploiter les richesses du nouveau monde, les Espagnols déportent de plus en plus d’esclaves des Caraïbes, puis d’Afrique. Et lorsque ces esclaves tombent malades, ils sont tout simplement chassés des villes. C’est cherchant refuge dans la forêt que ces malheureux vont arriver jusqu’aux villes des Tayronas, apportant avec eux des virus qui vont décimer la population indigène. Ainsi, durant la première moitié du XVIIe siècle, près de 90% de la population Tayrona va succomber aux maladies.
C’est face à ce désastre et pour sauver leur peuple de la disparition que les survivants vont prendre une décision probablement unique dans l’histoire. Les Tayronas vont se séparer en quatre groupes qui ne devront plus se rencontrer et qui partiront s’isoler sur différentes montagnes, à plus de 4000 mètres d’altitude. C’est ainsi que vont naître les peuples Kogi, Wiwa, Arhuaco et Kankuamo. Et c’est également pour cela que la ville de Teyuna sera abandonnée au milieu du XVIIe siècle.
Pendant près de trois siècles, les contacts entre les quatre groupes descendant des Tayronas seront très limités. Leur langue va d’ailleurs évoluer de manière très différente, à tel point que ces peuples ne se comprennent plus du tout. Mais avec cette stratégie, l’héritage culturel et le mode de vie traditionnel des Tayronas ont pu perdurer jusqu’à nos jours, en particulier chez les Kogis qui sont restés les plus isolés de notre monde.
Depuis les années 1970, les descendants des Tayronas ont pu s’installer à nouveau sur une partie des terres de leurs ancêtres, grâce à la création de la réserve indigène de Santa Marta.
Teyuna, cité perdue au cœur de la jungle
La ville de Teyuna a été fondée autour de l’an 800 et elle était l’une des trois cités sacrées des Tayronas. Située à 1000 mètres d’altitude en plein cœur de la jungle, elle a compté jusqu’à 10’000 habitants, avant d’être abandonnée en 1650. Depuis lors, son existence a été gardée secrète par les indigènes, qui ont toutefois continué à veiller sur le site et à le visiter régulièrement.
Ce n’est qu’en 1972 que des pilleurs de tombes découvrent à leur tour cette cité perdue et commencent à la saccager. Alerté, le gouvernement envoie l’armée pour sécuriser les lieux, puis entreprend de mettre à jour les ruines. La réaction des indigènes ne tarde pas, ils obtiennent que la restauration se limite à certains secteurs bien précis et se voient attribuer la responsabilité de gérer le site. Aujourd’hui, la ville n’est accessible qu’à pied, en plusieurs jours de marche, à un nombre limité de visiteurs. Une condition essentielle est aussi que ces visiteurs soient introduits à la culture et aux croyances indigène. D’ailleurs, pour l’anecdote, la ville est complètement fermée aux visiteurs durant le mois de septembre, car c’est durant cette période que certains dieux la visitent…
Bon, assez causé, place aux images!