Là où les murs parlent, chantent et pleurent
A Bogotà, ce qui frappe d’emblée, ce sont les milliers de graffitis, fresques, peintures, autocollants et autres affiches qui recouvrent les façades du centre historique, les ouvrages d’art et parfois même la chaussée. Jusqu’à récemment, de telles pratiques étaient illégales et réprimées par les autorités, d’autant que la plupart des interventions visaient à dénoncer la violence institutionnelle, l’injustice sociale, la souffrance des peuples indigènes et la corruption des élites.
Il y a une dizaine d’années, la situation a radicalement changé suite à un incident tragique. Un jeune graffeur de 17 ans qui tentait d’échapper à la police a été froidement abattu d’une balle dans le dos. Ce n’était pas la première fois qu’une telle bavure se produisait, mais cette fois-ci, il s’agissait de l’enfant d’une riche famille de la capitale, qui a exigé une enquête. Se sentant en danger, la police et les autorités ont falsifié des rapports, mis en scène de fausses preuves et organisé de faux témoignages. Cependant, la famille a poursuivi sa recherche de vérité malgré les menaces et avec de gros moyens. Sa ténacité a permis de mettre en lumière l’ensemble des faits, les révélations provoquant un véritable scandale dans le pays. Parmi la soixantaine de personnes apparemment impliquées figurent des cadres dirigeants de la police et des responsables politiques. Bien que de plusieurs condamnations importantes aient été prononcées, aucune n’est encore entrée en force, car les procédures se poursuivent et s’enlisent… Par contre, même si justice n’est pas (encore?) rendue, un changement de paradigme est intervenu. En effet, la municipalité a décidé de lever l’interdiction des graffitis et se donne désormais pour mission « d’encourager et de soutenir l’art mural responsable ».
Aujourd’hui, Bogotà est devenue une scène d’expression majeure, reconnue au plan international et le « graffiti tour » organisé par des collectifs d’artistes caracole en tête des visites les plus fréquentées de la ville. L’occasion de partager avec vous certaines oeuvres belles, tristes, interpellantes ou chantantes.